Le Professeur Dr Markus Pfister, médecin spécialisé pour l’oto-rhino-laryngologie auprès de Swisstinnitus AG à Sarnen, nous parle plus avant du tinnitus, aussi appelé acouphène.
Monsieur Pfister, qu’est-ce qu’un tinnitus ?
Le mot tinnitus est un terme médical qui recouvre des sensations subjectives de sons dans l’oreille pulsants et d’intensité sonore variable, telles que sifflement, bourdonnement, craquement, chuintement, sonnerie ou bruissement. En réalité, il s’agit d’une transmission sensorielle perturbée des capteurs auditifs de l’oreille vers le centre de traitement de l’ouïe dans le cerveau. En raison de cette suractivité des cellules nerveuses se produit cette impression de son parasite. Les « bruits » ne représentent qu’un symptôme annexe, mais ne pointent pas, en règle générale, vers une maladie de gravité importante ou handicapante.
Au moyen de quels symptômes se manifeste un acouphène ?
Si l’on entend un bruit – par exemple un sifflement, un pépiement ou un bruit d’éclaboussure – dans ses oreilles et que d’autres personnes ne l’entendent pas, alors il s’agit d’un tinnitus. De plus, les personnes touchées remarquent souvent que ces bruits parasites apparaissent de manière continue lorsqu’elles essaient de s’endormir, si elles sont dans un environnement calme, lors de l’exécution de certains mouvements particuliers ou dans des situations de stress.
Quelles sont les causes qui peuvent déclencher ce type de phénomène ?
Les causes de cette maladie sont individuelles et sont donc très diverses. Les bourdonnements d’oreilles peuvent être causés par des problèmes situés au niveau de la pression sanguine et de l’alimentation vasculaire de l’oreille et du cerveau. D’autres origines possibles peuvent être l’utilisation de certains médicaments, une perte auditive soudaine, un traumatisme céphalocrânien, une blessure de l’oreille interne (traumatisme acoustique), des tensions musculaires, des modifications posturales des vertèbres cervicales, des perturbations dans l’articulation de la mâchoire, une perte auditive accompagnée de sensation de perturbation de l’équilibre et de la situation dans l’espace, des maladies cardio-vasculaires ou des maladies du métabolisme, le bruit ou le stress.
Est-ce qu’un tinnitus peut être dangereux pour la personne touchée ?
Un acouphène n’est pas une maladie grave en soi, mais plutôt une sensation. Néanmoins, son intensité et sa présence permanente peuvent devenir extrêmement désagréables et impacter négativement la qualité de vie de la personne qui en est touchée. Il peut même mener à des épisodes dépressifs ou à des perturbations psychiques.
Est-il vrai que des personnes tierces peuvent entendre le tinnitus d’une personne qui en est affublée ?
Non, ce n’est pas possible, comme il s’agit d’un « bruit fantôme » qui a son origine dans l’hyperactivité des neurones de la personne concernée. Il ne s’agit donc pas d’un véritable bruit ou d’une onde sonore qui proviendrait de l’environnement. Un acouphène est seulement un simulacre de son qui ne peut être « entendu » que par la personne qui est touchée par cette affection. Un son chuintant objectivement existant et audible depuis l’extérieur est extrêmement rare et devrait absolument faire l’objet d’une consultation médicale.
À partir de quand parle-t-on d’un tinnitus chronique ?
On parle d’un tinnitus chronique si les bruits perçus durent pendant plus de trois mois.
Est-ce que le fait de souffrir d’un acouphène peut développer d’autres maladies ?
Comme un tinnitus « torture » en quelque sorte la personne qui en est touchée, il se peut que celle-ci développe des perturbations psychiques et des symptômes dépressifs. Les patientes et patients souffrant d’acouphènes réagissent souvent de manière irritable et sont très sensibles à des sonorités environnantes, des sons, de la musique, mais aussi au bruit de la circulation, par exemple.
Comment les personnes touchées sont-elles traitées ?
De concert avec le patient atteint de tinnitus, il s’agit de développer une thérapie (comportementale cognitive) individualisée pour traiter la sensation d’acouphène. Apprendre à s’accommoder du bruit parasite est le pas thérapeutique le plus important pour une thérapie réussie. Ceci nécessite de la patience et du temps, car le bruit dans les oreilles doit être accepté et la conscience doit ignorer sa présence. Très souvent, les personnes touchées pratiquent des exercices de relaxation. Néanmoins, il est important que des médecins spécialisés poursuivent des examens, par exemple un médecin versé dans l’orthopédie de la mâchoire et/ou un neurologue, pour exclure toute cause mécanique et pour trouver des solutions techniques éventuelles. Chez certains patients, le recours à des générateurs de bourdonnements (pour « couvrir » le tinnitus – que l’on appelle des « masqueurs ») ou à des appareils auditifs spéciaux peuvent présenter des solutions satisfaisantes.
Existe-t-il d’autres possibilités de thérapies ?
Il existe encore un grand nombre d’options thérapeutiques. Celles-ci doivent être ajustées aux besoins particuliers de la personne touchée par l’acouphène. Elles doivent aussi être discutées en commun avec le médecin et testées individuellement. Dans ces situations, il s’agit de déterminer avec précision les mesures que le patient ressentira comme valables et permettant un plus grand confort de vie. En font partie les classiques thérapies physiques, comme dans le cas de crampes musculaires dans la colonne cervicale du patient. L’on peut aussi recourir à un entrainement de réajustement du tinnitus où l’apprentissage d’une stratégie d’attaque de l’acouphène personnalisée et adaptée est la pièce maitresse du traitement. Une autre forme de thérapie consiste en une neuromodulation CR (« coordinated reset ») acoustique. Pour ce faire, le son du tinnitus est analysé en détail. Grâce à ces résultats, des sons thérapeutiques sont générés – ceux-ci contrent le son de l’acouphène et, en conséquence, « déshabituent » l’hyperactivité des cellules nerveuses de manière graduelle.
Quand conseillez-vous de consulter un médecin ?
Les règles essentielles dans le cas d’une apparition soudaine de bruits dans les oreilles sont : rester calme, puis consulter un médecin. Et il est vrai : le plus tôt sera le mieux ! Le médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie procédera ensuite à une anamnèse générale et à un diagnostic ciblé complet pour pouvoir exclure d’éventuelles causes organiques au bruissement perçu par le patient. Par la suite, au cours d’un entretien avec le médecin, il sera possible de procéder à un choix des mesures thérapeutiques les mieux adaptées aux causes probables de l’affection chez ce patient en particulier.
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