Le Prof. Dr Aristomenis Exadaktylos est médecin-chef et directeur du centre des urgences de l'Hôpital universitaire.
Monsieur Exadaktylos, le Conseil fédéral veut investir 100 millions de francs dans une campagne de vaccination pour inciter d'autres personnes à se faire vacciner. Les hôpitaux doivent économiser à tout prix tandis que les ambulanciers et le personnel infirmier n'en peuvent plus des heures supplémentaires et des salaires bas. La Confédération ne ferait-elle pas mieux d'investir ici ?
Bonne question, mais je crois que s'il est un pays qui puisse se permettre les deux, c'est bien la Suisse. Le premier investissement est prévu sur le court terme, et vise à « mettre le turbo sur les vaccinations ». Le second est un investissement à long terme dans notre infrastructure de santé. Cela sera bien plus cher, mais également plus durable.
De plus en plus d'infirmières et d'infirmiers sont épuisés physiquement et psychologiquement. Sens du devoir ici et là, les soignants se plaignent de leur travail – que conseillez-vous au personnel ?
Une personne épuisée physiquement ou psychologiquement a besoin de faire une pause. Cela n'a aucun sens de continuer à travailler jusqu'à épuisement complet. Ce ne serait bon pour personne : elle-même, sa famille, les collègues de travail et bien entendu les patientes et les patients. Je conseille d'en parler à temps avec ses supérieurs et de trouver une solution pour refaire le plein d'énergie. Chaque infirmier ou infirmière qui quitte le secteur de la santé est une petite catastrophe.
Mauvais salaire et horaires de travail irréguliers – Comment parvient-on malgré tout à assurer la relève ?
Tout le monde n'est pas fait pour ça, mais il y a quelques métiers qui attirent presque tout le monde, comme le travail en médecine de soins aigus. C'est fatigant, mais également gratifiant de savoir que dans le doute, on peut aider à sauver des vies ou avoir une influence sur le destin des gens et de leurs familles. Et puis, j'espère que les politiques comprendront qu'on a besoin de leur soutien dans ce domaine.
Les obstacles sont de taille : pour devenir infirmière par exemple, il faut un bachelor. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Je trouve cela très bien, parce qu'on a également relevé le niveau d'exigences. Une grande partie de la population a une image très ancienne du métier. Les soignants font des études et forment un personnel spécialisé hautement qualifié. Comme me disait un jour un ami : un pilote a le droit de s'installer dans le cockpit au bout de deux ans, une infirmière diplômée en a besoin de quatre pour traiter un patient toute seule. La comparaison n'est peut-être pas tout à fait parfaite, mais cela reste un métier très exigeant et la formation l'est tout autant. Aujourd'hui, les soignants peuvent pousser leurs études jusqu’au master ou au doctorat.
Pourquoi un ambulancier à Lucerne gagne-t-il par exemple beaucoup moins qu'une personne ayant la même qualification dans les Grisons ou à Genève ?
Le petit Ueli demande à sa mère : « Dis Maman, d'où viennent les bébés ? » Elle lui répond : « En Suisse, ça dépend du canton. »